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Les domestiques, rappelés brusquement à des idées plus calmes par cette démonstration belliqueuse, firent deux pas en arrière.

Tom, à ce moment, aperçut miss Emma qui s’efforçait toujours de maîtriser le frère de Mary.

— Venez, James, lui disait-elle ; venez, je vous en prie. À quoi vous servira la violence ?

— Ah ! vous avez raison, miss, répondit le pauvre garçon ; que faire contre un lâche ? Mais je le retrouverai. Allons-nous-en, Tom, car il arriverait ici un malheur.

— Mais enfin, qu’y a-t-il ? demanda celui-ci. Qu’est-ce qu’on t’a fait ?

— Tu le sauras trop tôt, viens !

— Oh ! c’est que je n’en ferai qu’une bouchée, de tous ces beaux messieurs-là. Nom d’un nom ! faire du chagrin à mon ami James !

Ces derniers mots de Sanders avaient été accompagnés d’un tel geste que les trois jeunes gens s’étaient reculés jusqu’à l’extrémité de la pièce.

Non-seulement ils étaient effrayés de ce nouvel adversaire, mais ils étaient honteux que miss Emma fût témoin de cette scène scandaleuse.

— Viens, te dis-je, Tom, viens, répéta l’ouvrier.

Et suivant la jeune fille qui le tenait par la main, il entraîna son ami dans l’antichambre, d’où les domestiques s’étaient prudemment éloignés.

Se rappelant comment Tom y avait fait son entrée, ils tenaient peu à provoquer de sa part une sortie du même genre.

— Priez votre ami de vous attendre en bas et venez un instant chez moi, dit miss Emma à James, lorsqu’ils furent en face de la porte de son appartement.

Le frère de Mary fit un geste, et Tom descendit l’escalier en grondant et en jetant autour de lui des regards pleins de regrets comiques de n’y pas rencontrer d’adversaires dignes de lui.

Tout ce qui se passait là ne lui semblant pas bien clair ; il regrettait d’avoir perdu la bonne occasion de distribuer quelques-uns de ces vigoureux coups de poing pour lesquels il n’avait pas de rivaux dans les boxing matches.

S’il avait connu la cause de la querelle de son ami et d’Edgar Berney, c’eût été bien autre chose encore.

Heureusement qu’il l’ignorait et était à cent lieues de la deviner.

Quant à James, il s’était laissé conduire docilement par miss Emma.

Après la colère, la réaction était venue. Il ne sentait plus que le poids du malheur qui l’accablait.

Il pensait à sa pauvre sœur et ses yeux étaient remplis de larmes.

Lorsqu’il fut seul avec la jeune fille, il se laissa tomber sur un siège en se cachant le visage avec les mains.