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Le brave ouvrier ne pouvait choisir un plus mauvais moment pour une semblable question.

Son ami eut l’air de ne pas l’avoir compris.

— C’est que, vois-tu, continua-t-il, je suis décidé à aller de l’avant. J’ai bien réfléchi cette nuit ; si ta sœur veut de moi, eh bien ! ces bras-là et le cœur qu’il y a là-dedans sont à elle.

Le colosse avait appuyé sa phrase d’un gigantesque coup de poing sur sa poitrine, qui avait résonné comme un tambour.

— C’est bien, c’est bien ! répondit James embarrassé, nous en reparlerons. En attendant, allons-nous-en, nous allons réveiller tout le monde ici.

Il avait conduit doucement son ami vers la ports et l’avait fermée derrière lui.

Une fois dans la rue, Tom s’aperçut que James avait l’air bouleversé.

— Ah çà ! qu’est-ce que tu as donc ce matin ? Il s’est passé quelque chose dans la maison. Mary n’est pas malade, au moins ?

— Mais non, mais non ; j’ai mal dormi, voilà tout. Il est six heures ; dépêchons-nous, où nous arriverons en retard, et gare à Welly !


II

OÙ MASTER TOM SANDERS FAIT NOBLEMENT SON ENTRÉE DANS LE GRAND MONDE.



Vingt minutes après, les deux amis étaient à l’usine, sans que Tom, malgré ses questions réitérées, eût rien appris.

Quant à James, il était encore trop vivement sous l’impression terrible que lui avait causée l’aveu de sa sœur pour s’être arrêté à aucun parti. Il était seulement décidé à voir Edgar Berney et à exiger de lui une explication.

Comme il savait que demander le jeune homme à pareille heure eût éveillé les soupçons et lui aurait fermé sa porte, il remit sa tentative à un moment plus favorable, au repas du midi, qui laissait aux ouvriers une heure de liberté.

L’usine de M. Berney, située à quelques pas du square de Beaumont, était au fond d’une large avenue dont le pavillon d’habitation tenait un des côtés.

Au moment où James et Tom y entraient, les ouvriers, au nombre de près de douze cents, n’étaient pas encore au travail.