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On revenait à un mot, qui avait été importé jadis d’Amérique pour exprimer la haine du peuple, des Irlandais surtout contre les institutions surannées de l’Angleterre, et bien que fort peu de temps se fût passé depuis la condamnation et l’exécution de certains de ses chefs, le fénianisme était de nouveau dans toutes les bouches, sans être compris de la plupart de ceux qui en parlaient.

D’abord le gouvernement n’avait pas voulu prendre au sérieux les démonstrations qui avaient été faites ouvertement, en plein jour, à Hyde-Park ainsi que dans le quartier de Clerkenwell, et il s’était contenté de les surveiller, en respectant cette liberté de réunion qui conduira quelque jour l’Angleterre à l’une de ces crises sociales que nous venons de traverser ; mais il s’était bientôt demandé si ces meetings, provoqués le plus souvent sous les motifs les plus futiles, n’étaient pas, pour quelque secrète association politique, un moyen de compter ceux qui répondraient à son appel et descendraient dans la rue lorsqu’elle leur ferait signe.

L’autorité avait fini par s’émouvoir.

Les gens sensés, que le pouvoir, la richesse et l’égoïsme n’aveuglaient pas, comprenaient qu’il y avait dans tous ces mouvements si parfaitement conduits, non pas seulement les plaintes d’une certaine classe de la société, mais bien aussi une réaction réelle contre l’aristocratie de nom et d’argent, un désir immodéré d’affranchissement de la part de ceux que les privilèges accablaient.

On ne pouvait douter qu’il n’existât un centre d’action, des chefs habiles et puissants ; mais la police ne parvenait à mettre la main çà et là, à longs intervalles, que sur quelques agents subalternes, qui se taisaient obstinément, ou qui, dans leurs révélations, n’apprenaient rien de nouveau.

Quelques hommes énergiques, prêts à tout, tenaient évidemment les fils de cette association ténébreuse dont on ne connaissait pas même le nom, car on voulait croire le fénianisme enseveli à jamais sous l’échafaud de Newgate, et dont le but ne paraissait pas parfaitement fixé.

Soit qu’il appartinssent à un monde où on ne songeait pas à aller les chercher ; soit qu’ils fussent plus puissants ou plus adroits encore que ceux qui avaient un si grand intérêt à les connaître, aucun de ces chefs n’avait été désigné jusque-là à l’habile directeur de la police métropolitaine.

Les arrestation opérées à Manchester, à Liverpool, en Irlande, n’avaient livré aux policemen que des ouvriers malheureux et des repris de justice ; et la haute société anglaise commençait à s’inquiéter sérieusement et à s’en prendre au gouvernement lui-même, bien qu’elle ne sût pas encore exactement ce dont elle était menacée.

Revenons maintenant à ces hommes que nous avons vu sortir en cou-