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loppaient et tout à coup disparurent, comme si la terre se fût entr’ouverte sous leurs pas.

— C’est bien ici et je ne me suis pas égaré, murmura avec un éclair dans les yeux celui qui les surveillait.

La même scène se reproduisait au même moment, mais sans témoin, à cent endroits divers de la forêt.

Depuis plusieurs jours, des hommes aux figures étranges, aux costumes bizarres, les uns richement vêtus, les autres couverts de haillons, ceux-ci paraissant des marchands, ceux-là des soldats, d’autres des mendiants, s’étaient enfoncés sous les arbres, venant de toutes les directions.

Comme ceux dont nous venons de parler, ils avaient, eux aussi, trouvé çà et là des ouvertures soigneusement dissimulées, qui leur avaient permis de se glisser dans les entrailles de la terre, et de pénétrer, par les mille souterrains qui y conduisaient, dans les cavernes de Carly, où depuis plus d’un mois, un avis mystérieux leur avait été donné de se trouver dans la nuit du 1er avril.

Les cavernes de Carly, que leur isolement au milieu des bois et des jungles empoisonnés ont défendues des conquérants, s’étendent dans l’espace de plusieurs lieues et remontent, ainsi que celles d’Ellora et de Salcette, aux temps les plus reculés.

C’est un labyrinthe inextricable de chemins, d’aires, de temples, de larges souterrains, de salles immenses dont les voûtes sont supportées par des colonnes tirées du roc même, sans en être pourtant détachées, non plus que les horribles figures sculptées qui les décorent, et qui communiquent entre elles par des passages à demi effondrés où rampent en paix les reptiles et se cachent les fauves.

Après avoir servi de temple dans les premiers temps du brahmanisme, ces excavations ont été abandonnées peu à peu lorsque se sont élevées les pagodes sur le sol, et elle sont devenues le refuge de ces sectes mystérieuses et terribles auxquelles les divinités sanguinaires ordonnent le meurtre, et qui depuis plusieurs siècles, tiennent l’Inde entière pantelante et terrifiée entre leurs mains sanglantes.

Il y avait près d’une heure déjà que les deux Hindous avaient disparu, lorsque celui qui les avait surpris se décida à sortir enfin de son immobilité.

C’est en rampant sur le sol qu’il arriva, lui aussi, jusqu’à cette ouverture sur laquelle ils avaient fait retomber les lianes avec soin.

Il les écarta, et aux pâles reflets des étoiles, il aperçut, s’offrant à lui, un passage étroit, sombre et béant.

Il prêta d’abord attentivement l’oreille, et n’entendant aucun bruit, il se laissa hardiment glisser, se retenant aux parois des roches et aux plantes grimpantes qui les tapissaient.