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Son front s’était illuminé de joie, sa physionomie n’exprimait plus qu’un incommensurable orgueil.

Pendant quelques instants, il resta pensif et souriant en face de ce trésor immense, songeant à la toute-puissance qu’il allait y puiser.

Puis le calme se fit bientôt en lui, et il se mit alors froidement à choisir, au milieu de ces richesses, les objets les plus précieux et les moins lourds.

Cela fait, il repoussa dans le souterrain les caisses qu’il en avait extraites, replaça soigneusement la pierre qui en fermait l’ouverture, ramena les nattes sur elle et y traîna le cadavre.

La torche s’éteignit à ce moment même, comme si désormais, dans le mausolée, tout dût retomber dans l’ombre et le mystère.

Nadir reprit à tâtons le chemin qu’il avait déjà parcouru, remonta les marches de l’escalier, fit glisser, en la soulevant sur ses épaules, la large dalle du tombeau, et se retrouva au grand air, pour aspirer à pleins poumons les émanations parfumées de la nuit.

Quelques secondes après, il avait amené la pierre tumulaire dans la position où il l’avait trouvée, sans oublier de grouper autour d’elle les lianes et les ronces, et il reprenait, à travers le labyrinthe de la nécropole, la direction du mausolée du Maharadjah.

Un hennissement joyeux répondit au sifflement aigu qu’il fit entendre une fois sur le chemin, et bientôt, récompensé par une caresse, son cheval, plein d’ardeur, s’élança de nouveau sur la route de Tritchinapaly.

Au moment où il arrivait, le soleil dorait déjà de ses premiers rayons les coupoles des pagodes, et les portes de la ville étaient ouvertes.

Il s’arrêta un instant à son hôtel pour y laisser son cheval épuisé ; la noble bête avait fait à fond de train plus de vingt lieues pendant la nuit ; mais lui, comme si la fatigue ne pouvait avoir de prise sur ses muscles d’acier, se dirigea à pied vers la demeure de Samuel.

Les bazars étaient encore complètement déserts, mais l’Israélite, qui ne s’était pas couché, l’attendait.

Au premier coup frappé par Nadir à la porte, il vint ouvrir.

— Êtes-vous prêt, Samuel ? lui dit l’Hindou dès qu’ils eurent pénétré dans l’intérieur de la maison.

— Je vous ai fait, seigneur, dix millions de traites sur Manetjee de Bombay, sur les Thompson et Cie d’Alexandrie, et sur la maison Rothschild de Londres.

— C’est bien ; voici ce que je vous ai promis en garantie.

En disant ces mots, il tira de sa ceinture un large foulard de soie, et en versa le contenu sur la table d’ébène qu’éclairait une petite lampe fumeuse, la seule que son avarice permit au riche marchand.

Samuel étouffa un cri d’admiration et de surprise tout à la fois.