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— Je regrette, Ada, dit celui-ci, de violer la consigne que vous avez donnée à Sabee, mais il est nécessaire que je m’entretienne avec vous.

— J’ai fait ce matin une longue promenade à cheval qui m’a fatiguée un peu, répondit-elle, mais je n’en suis pas moins tout à vos ordres. Qu’y a-t-il de nouveau ? Je vous écoute.

C’était la première fois, depuis plusieurs jours, que le père et la fille se trouvaient en présence et seuls, car la scène violente que nous avons racontée les avaient éloignés l’un de l’autre plus que jamais.

— Il y a, dit le colonel après s’être recueilli un instant, que vous ne pouvez continuer à vivre dans cette retraite que vous affectez de rechercher, et qu’il est temps, pour faire cesser des bruits fâcheux et ridicules, que vous repreniez vos habitudes d’autrefois. Vos amis s’inquiètent à raison, et le soin de votre réputation exige que vous ouvriez de nouveau votre porte à ceux qu’il vous convient de recevoir. Je regrette les paroles dures qui m’ont échappé l’autre soir dans la colère, et je viens vous donner une preuve de mon désir de vous voir tout oublier. J’ai reçu à votre sujet une demande qui m’honore et ne peut que vous flatter.

— Laquelle, mon père ? fit miss Ada, sans se douter de ce dont il allait être question.

— Le capitaine George Wesley, que j’aime et que j’estime, et à qui vous avez toujours semblé témoigner quelque sympathie, m’a prié de lui accorder votre main.

— Me marier ! ne put s’empêcher de s’écrier la jeune fille avec effroi.

— Mais, qu’y a-t-il là de surprenant ? Vous avez dix-huit ans, vous êtes belle. J’étais au contraire surpris que pareille démarche n’eût pas été faite depuis longtemps déjà par un de vos nombreux admirateurs.

— C’est le capitaine George qui, de son propre mouvement, sans que vous soyez allé au-devant de lui, vous a fait cette demande ?

— Certainement, répondit sir Arthur embarrassé.

— Cela m’étonne, reprit Ada ; j’ai pour George une amitié réelle ; il eût donc mieux fait de s’adresser d’abord à moi pour savoir si j’étais disposée à approuver sa demande. C’est, je le sais, un noble et vaillant gentilhomme ; mais il n’est pas riche, que je sache, et j’ignore quelle dot vous voulez me donner.

Elle avait prononcé ces mots en scandant pour ainsi dire chacune de ses syllabes.

Sir Arthur fit un mouvement et jeta sur sa fille un de ces mauvais regards qu’il n’était pas toujours maître à réprimer.

Il se hâta cependant de répondre d’un ton qu’il s’efforçait de rendre naturel :