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XI

DEUX FEMMES POUR UN CADAVRE.



C’était un spectacle émouvant, au milieu des colères de la tempête déchaînée, que celui de ces deux femmes, de mœurs, de race et de religion différentes, et cependant entrelacées, unies dans une même pensée.

Elles suivaient des yeux les fossoyeurs qu’elles encourageaient de la voix.

On eût dit que chaque pelletée de terre arrachée à cette fosse était un poids de moins pour leurs seins oppressés.

Bientôt les bêches de fer mordirent sur les planches du cercueil. Elles se penchèrent avides et anxieuses sur le trou noir et béant.

Deux des Hindous y descendirent, et, faisant glisser des cordes sous chacune des extrémités de la bière, il les tendirent à leurs compagnons, qui, unissant leurs efforts, la soulevèrent et la déposèrent doucement sur le sol.

— Maintenant, Roumee, dit Ada, fais combler cette fosse de façon qu’il ne reste pas ici trace de notre passage. Que quatre de ces hommes prennent le cercueil sur leurs épaules, et conduis-nous.

Sita s’était couchée sur le coffre funèbre ; et, par les solutions de continuité qui y existaient entre les planches, elle semblait en vouloir sonder les ténèbres.

Ses lèvres s’agitaient comme pour en interroger le silence de mort.

— Venez, lui dit la fille de sir Arthur en la prenant par le bras, le brahmine nous attend.

Les Hindous soulevèrent la bière, et la petite troupe, conduite par Roumee, se dirigea vers la porte du champ de repos.

Le cipaye, qui servait de guide, ayant dit aux porteurs de prendre sur la gauche, ils s’enfoncèrent tous sous les arbres de l’avenue, à l’extrémité de laquelle s’élevait la pagode de Rama.

C’était à cent pas du temple que Roumee avait loué la maison où ils se rendaient.

Sita, la tête penchée, marchait auprès d’Ada sans mot dire.

Ils furent bientôt sur la place du temple.

Roumee poussa la porte de la maison qui était entr’ouverte, et Ada put