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voya en lui recommandant de ne plus s’éloigner de la prison un seul instant, et de venir la prévenir dès qu’il en verrait sortir le funèbre cortège.

Puis, elle retomba, brisée, dans la torpeur et l’accablement dont elle ne devait sortir que pour l’achèvement de son œuvre.


X

LE CIMETIÈRE HINDOU DE VELPOOR.



Vers la fin du jour, lorsque les guichetiers pénétrèrent dans le cachot de Nadir pour y apporter le cercueil dans lequel son corps devait être enfermé, ils durent, pour ainsi dire, arracher le cadavre des bras de Sita.

— Laissez-moi le voir encore un instant, suppliait la pauvre femme, laissez-le-moi purifier.

Cette autorisation ayant été accordée par Stilson, qui certes n’était point un homme inhumain, les soldats et les employés présents assistèrent au plus triste des spectacles.

Sur la prière de la jeune fille, un des guichetiers avait été lui chercher un grand vase rempli d’eau, et elle avait déroulé de sa taille un long pagne de fine mousseline blanche qu’elle y avait plongé.

Nadir était étendu sur une natte au milieu du cachot ; une torche en résine, fichée dans la muraille, l’éclairait en plein visage.

Ses traits n’exprimaient aucune souffrance ; sa bouche était entr’ouverte et ses yeux à demi fermés laissaient voir, entre leurs paupières gonflées, des prunelles éteintes et vitreuses.

Sita promenait le linge humide sur le corps de celui qu’elle avait tant aimé ; elle l’inondait de parfums et peignait ses longs cheveux noirs, en les arrosant de ses larmes et en les couvrant de baisers.

Les soldats pouvaient à peine contenir leur émotion.

Stilson regrettait peut-être pour la première fois d’avoir changé de métier.

Lorsque la jeune femme eut terminé et que les geôliers lui eurent fait comprendre que le moment était arrivé de se séparer du mort, elle voulut coucher elle-même le corps dans le cercueil.

C’était une longue caisse de bois de teck, dont les planches étaient à peine jointes.

Elle étendit dans le fond une natte fine de maïs ; avec l’aide de l’un des soldats elle y plaça doucement le cadavre de son fiancé, puis se releva.