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qu’il pourrait, le lendemain, achever sa bouteille de whisky avec son ami Roumee, le cipaye, mais qui malheureusement ne savait pas boire.


VIII

SOUS L’AUTEL DE WISCHNOU.



Miss Ada Maury n’avait pu rapporter à Nadir que très-imparfaitement les causes de l’arrestation du brahmine et de ses amis, ainsi que le procès et la condamnation qui avaient suivi, car elle ne savait, de tous ces événements, que ce qui se disait dans le monde, et il s’y disait des choses tellement contradictoires qu’il était difficile d’y découvrir la vérité.

L’affaire était restée entourée de ténèbres, et l’autorité anglaise semblait tenir beaucoup à ce que la presse locale s’en occupât fort peu et surtout n’exagérât pas son importance.

Les magistrats d’Hyderabad affirmaient qu’il n’y avait réellement dans le procès que les faits qu’ils avaient jugés, et que le tribunal n’avait condamné les accusés à mort que parce qu’il avait été prouvé qu’ils étaient en correspondance avec les Sicks révoltés, et préparaient eux-mêmes un soulèvement des régiments cipayes dans la province d’Hyderabad et dans celle de Madras.

Le public avait alors suivi les débats avec une complète indifférence. C’est à peine si quelques centaines de curieux étaient allés assister au supplice des conspirateurs à la porte de Golconde. Puis on s’était dit que bonne justice avait été faite, et quinze jours après, tout était oublié.

Il n’y avait là, cependant, de la part du gouverneur d’Hyderabad, qu’une manœuvre adroite pour ne pas effrayer la population européenne.

La vérité était que ni Romanshee ni ses complices n’avaient trempé dans aucune conspiration militaire, et que ce qu’ils semblaient avoir projeté, — car l’instruction n’avait rien prouvé et les accusés étaient restés muets, — c’était un soulèvement religieux, et la réorganisation, après plus d’un quart de siècle de disparition qui avait paru complète, de la sinistre association des Thugs.

Vingt-cinq ans avant le drame que nous racontons, le Thugisme avait reçu un coup terrible.

Nous avons vu que, trahis par leur chef suprême, Feringhea, plus de trois mille affiliés avaient été arrêtés, jugés, condamnés à mort et exécutés.

Après cette expiation, la secte s’était dispersée et n’avait plus donné