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En projetant les rayons de son fanal vers le fond du caveau, Ada reconnut l’Hindou qui, réveillé brusquement par cette visite inattendue, fixait sur elle ses yeux étonnés.

Elle laissa tomber son manteau et fut obligée de chercher un appui contre la muraille.

Maintenant qu’elle était arrivée à son but et que les obstacles avaient paru s’aplanir si heureusement devant elle, elle tremblait comme un enfant, tout en se sentant envahie par une joie immense.

Elle était donc enfin seule, en présence de celui qu’elle aimait et qu’elle voulait sauver, même au prix de sa vie et de son honneur.

Nadir, qui pensait avoir en face de lui un des aides de camp du gouverneur, car le visage d’Ada était complètement dans l’ombre, Nadir attendait.

Mais la fille de sir Arthur, les regards arrêtés sur cette ombre adorée qui n’était qu’à quelques pas d’elle, se laissait aller à ses pensées d’espérance et d’amour. Elle se disait qu’elle rêvait peut-être, et n’osait élever la voix.

— Que me voulez-vous donc encore ? dit enfin le prisonnier, ne s’expliquant ni l’immobilité ni le mutisme de son visiteur nocturne.

Ada revint brusquement à la réalité.

— Voyons, que voulez-vous ? répéta l’Hindou.

— Vous sauver, Nadir !

Et, se détachant de la muraille, elle fit quelques pas qui la mirent en pleine lumière, car elle avait posé le fanal sur la table.

— Vous ! miss Ada. Vous ici ! s’écria l’Hindou, la reconnaissant et ne pouvant en croire ses yeux.

— Moi-même ! Cela vous étonne-t-il donc ?

— Comment avez-vous pu pénétrer dans cette prison ?

— Ce serait trop long à vous raconter. Voulez-vous fuir ? Les moments sont précieux !

— Fuir, dites-vous ? Et c’est vous qui venez m’offrir la liberté ; vous, la fille de mes ennemis, la fille de ces hommes qui m’ont emprisonné, enchaîné, qui me refusent des juges.

Sa voix avait subitement changé de ton ; l’éclair de ses yeux s’était chargé de haine.

Il tendait à la jeune fille ses mains étroitement liées.

— Raison de plus pour fuir, reprit-elle en cherchant à le dégager. Quoique je sois de la race de ces hommes, ami, je ne suis pas de leur caste. Comme vous, je les méprise et je les hais.

— Vous êtes folle, Ada !

Il la repoussait doucement, s’efforçant de retirer ses mains qu’elle cherchait à rendre libres.