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bait gracieusement sur ses épaules, après avoir couvert un des côtés de sa poitrine.

Les bas de ses jambes et ses poignets étaient ornés de larges bracelets ciselés, et les doigts de ses petits pieds cambrés étaient, comme ceux de ses mignonnes mains, chargés de bagues précieuses où se mêlaient diamants et rubis.

À son cou, qui supportait une tête petite comme celle d’une impératrice romaine, se roulait en plusieurs tours un lourd collier de perles, et les lobes de ses oreilles étaient percés de quantité de petits trous à chacun desquels se balançaient, avec un cliquetis harmonieux, des anneaux d’or larges comme des sequins.

Elle n’avait pas suivi la mode hindoue, c’est-à-dire que nul cercle ne traversait ses narines roses et mobiles, tandis que les autres bayadères portaient cet étrange ornement qui descendait jusqu’à leurs lèvres.

On eût dit que la gracieuse créature ne voulait aucun obstacle à ses baisers.

Elle ne mâchait pas non plus de bétel, cela se reconnaissait à la blancheur de ses dents ; mais ses ongles ovales et transparents étaient rougis par le henné, et, sur son front, s’étendait en travers une large raie jaune tracée avec du safran.

Sa chevelure, admirablement longue et soyeuse, était relevée de chaque côté de sa tête par des bandelettes d’argent et tombait en arrière, sur son cou, en boucles éparses avec un provoquant désordre.

Au moment de s’élancer, souple et flexible comme un liane des jungles, la jeune fille échangea un coup d’œil rapide avec le chef des porteurs, qui, accroupi le long du palanquin de sa maîtresse, était à peu près dans l’ombre.

Le vieux Seler, s’il eût été moins occupé lui-même des prêtresses de Vischnou, aurait peut-être reconnu dans cet homme le misérable mendiant de la cour du palais d’Hyderabad, celui qui, aussitôt après le départ de la caravane, avait si rapidement disparu.

Quant à Schubea, dès l’arrivée des danseurs, il avait, à travers le massif d’amandiers, gagné le derrière de la tente, et il en avait fendu la toile d’un coup de poignard.

Puis il y avait pénétré, et sans qu’un seul gémissement des nattes eût trahi son passage, il s’était glissé jusqu’au palanquin de Gaya.

La jeune fille, cédant à la fatigue, dormait déjà.

Après s’en être assuré, il avait doucement posé sur sa couche, tout autour d’elle, des fleurs et des baies d’un rouge vif, dont les âcres et pénétrantes senteurs avaient arraché à Gaya un soupir d’enivrement, sans toutefois la tirer de son sommeil, et il avait laissé retomber sans bruit les