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« Durant le cours de ces débats, j’ai appris l’arrestation de près de huit cents affiliés, emprisonnés en ce moment à Bungalore, à Bellary, à Mysore et à Hyderabad, et aujourd’hui même m’est arrivée la nouvelle du départ des expéditions du Centre pour Jaggernaut, Ellora et Bopal.

« C’est devant vous qu’ont été amenés les premiers meurtriers, c’est vous qui, les premiers, ferez taire les palpitations de vos cœurs, pour vous souvenir que vous êtes seulement les interprètes de la loi.

« Nous devons donner ici l’exemple de la sévérité, parce que nous sommes ici surtout en plein Thugisme.

« Les habitants d’Arcot, quoique musulmans, sont Thugs de père en fils, et comme généralement ils s’engagent en qualité de cipayes dans les régiments de la compagnie, ils sont encore les assassins les plus dangereux du pays. Ils sont plus discrets, plus tenaces, plus adroits encore que les Étrangleurs du Dekhan, et on conçoit avec quelle facilité ils peuvent attirer dans leurs pièges les voyageurs et les marchands que leur uniforme rassure.

« Ils étranglent également avec leur mouchoir, ainsi que leurs frères du Centre, et suivent à peu près les mêmes rites, sans cependant avoir de grands rapports entre eux, peut-être pour cette raison que, quoiqu’ils se servent de l’hindoustan dans leurs conversations ordinaires, leur véritable langue est le tamoul.

« C’est, du reste, cette province, qui n’est qu’à quelques milles de nous, qui nous fournit cette monstruosité trop commune : la femme Thug.

« À Hyderabad, le capitaine Reynolds a arrêté une femme, est-ce ce nom qu’il faudrait lui donner ?

« Et cette femme était le chef d’une bande de deux cents Étrangleurs.

« Elle a été belle, elle a été jeune, elle se nomme Suddamah, et vivait sous la protection des magistrats indigènes. Elle a aujourd’hui près de cinquante ans, et de temps à autre, malgré la fortune qu’elle a faite dans son infâme profession, elle accompagnait encore ses deux fils et ses frères dans certaines expéditions.

« Elle n’est pas sur ce banc, parce qu’elle s’est fait justice elle-même. La nuit même de son arrestation, on l’a trouvée dans son cachot étranglée de ses propres mains.

« Les femmes Thugs ne sont pas en grand nombre, il est vrai, mais elles prennent toujours un grand intérêt aux meurtres et souvent y aident de leurs conseils.

« En effet, je lis dans un autre passage du capitaine Aldeman :

« J’ai trouvé une femme qui suivait avec ardeur les expéditions, c’était l’épouse du jemadar Bucktarvar, de la secte Thug du soosea. Elle habitait avec son mari une fort belle propriété sur le territoire de Vellore. Souvent