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saurais dire non. Ils auront été cachés chez cette femme par les ennemis que je me suis faits par mes révélations.

— Vous mentez, Feringhea.

— Eh ! mylord, pourquoi mentirai-je ? qu’ai-je à craindre ou à espérer ? Je ne crains pas même la mort, bien que vous m’ayez promis la vie.

— Ce que vous espériez, je puis vous le dire. Vous espériez que l’exécrable association dont vous êtes de chef vous survivrait. Tombé aux mains de la justice anglaise, vous avez transmis à un autre votre terrible pouvoir. Il devait, cet autre, continuer vos forfaits, raviver les monstrueuses espérances de vos sectaires, renouer, enfin, tous les fils brisés de la société du Thugisme.

— Il ne reste plus de Thugs dans l’Inde, dit Feringhea avec emphase, Kâly n’a plus d’adorateurs ; la mystérieuse association est morte le jour où je me suis décidé à parler.

— Eh bien ! Feringhea, vous allez être confondu. Lieutenant Fraser, amenez devant nous les Thugs dont vous vous êtes emparés à la pagode de Serapour. Gardes, faites entrer les citoyens anglais arrêtés sur les indications de Bob Lantern.

Ces ordres furent exécutés immédiatement et l’auditoire épouvanté vit entrer trente Hindous, dont les mains étaient liées. Ils se rangèrent devant le tribunal.

Puis, par une autre porte, on introduisit un riche négociant anglais de Madras, sir Georges Gordon.

— Persistez-vous toujours à nier ? demanda le président à Feringhea.

Celui ne répondit pas.

Jamais, depuis le commencement des débats, sa contenance n’avait exprimé une telle surexcitation. Il semblait atterré.

— Lequel de vous s’appelle Ressoul, dit sir Georges Monby, en s’adressant aux nouveaux prisonniers.

Un homme fort, grand, au teint brun, à la physionomie fière et intelligente, se détacha du groupe en répondant :

— Moi !

— Vous avez essayé, sur les ordres de Feringhea, lui dit le président, de reconstituer l’abominable association des Thugs ?

— Jamais, Saheb ! répondit cet homme ; j’étais à la pagode de Serapour, louant et priant Dieu, lorsque vos soldats en armes sont venus me saisir avec mes frères.

— Nous connaissons votre religion. Vous adorez la déesse Kâly, et vous pensez vous la rendre favorable en étranglant le plus de victimes possible.

— Non, Saheb.