Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/186

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voulu faire la part du feu. Vous avez livré une partie de vos complices pour assurer l’impunité des autres.

— C’est une erreur, répondit Feringhea, avec assurance, j’ai tout révélé.

— C’est ce que nous allons savoir. Et d’abord, messieurs, apprenez que Gilbert, ce malheureux qui a si étrangement abusé de la confiance de Sa Seigneurie lord Bentick, n’est pas mort.

Feringhea, malgré tout son empire sur lui-même, ne put réprimer un mouvement de déception.

— Les médecins, poursuivit le président, ont perdu tout espoir de le sauver ; mais il a repris connaissance, et j’ai pu recueillir sa déposition. Gilbert a parlé comme un homme sur le point de paraître devant le souverain Juge. Grâce à lui, nous tenons, j’en ai la conviction, les derniers fils de cette redoutable association.

— Il peut exister des groupes de Thugs inconnus de moi, opérant pour leur compte particulier, observa le chef des Étrangleurs.

— Feringhea, l’infortuné sir Harry Temple ne vous a pas reconnu hier, mais j’ai de fortes raisons de supposer que, vous, vous le connaissez.

— Je l’ai vu ici, devant vous, pour la première fois. J’ignorais même son nom.

— Soit ! nous apprécierons ce qu’il faut croire de votre déclaration. Huissiers, introduisez miss Clara Trevor.

À ce nom, Feringhea, qui avait repris toute son assurance, ne put cacher sa surprise et il se laissa retomber sur son banc. Sa physionomie semblait bouleversée.

Un murmure de satisfaction s’éleva dans l’auditoire. Une fois enfin, le terrible chef paraissait redouter quelque chose.

— Je dois prévenir l’assemblée que je suis résolu à ne pas tolérer la moindre manifestation, dit le président.

Le silence se fit aussitôt.

Miss Clara qui apparut au même moment entre deux gardes, était une jeune femme remarquablement jolie, blonde, à l’air effronté, bien connue à Madras. Elle devait à la légèreté de ses mœurs et à son luxe insolent une certaine célébrité.

On ignorait d’où elle venait ; elle avait toujours refusé de le faire savoir.

Elle fit son entrée, vêtue comme la dernière gravure de modes du Mirror of the fashion, et ne semblait nullement embarrassée.

— Persistez-vous, miss, lui dit le président, à ne rien vouloir faire connaître de vos antécédents ?

— Je ne vous ai pas menti, mylord, répondit Clary, quand vous m’avez interrogée en particulier. Appartenant à une grande et honorable famille, je dois taire mon vrai nom par respect pour elle.