Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/172

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« À peine eus-je pénétré dans ce couloir qu’une humidité glaciale s’abattit sur moi et qu’une odeur nauséabonde et fétide me souleva le cœur.

« En même temps une nuée d’oiseaux des ténèbres que je ne pouvais voir, mais qui me fouettaient de leurs ailes, s’échappa en poussant des cris sinistres.

« J’avançai néanmoins.

« J’avais fait vingt pas, lorsque je trébuchai contre un obstacle. Une sorte de grognement me fit tressaillir et un animal prit la fuite.

« J’avançai encore, et j’allais atteindre enfin l’ouverture tant convoitée, lorsque tout à coup deux yeux étincelants dardèrent sur moi des regards effroyables.

« Ce fut à mon tour de reculer.

« Je revins promptement à mon point de départ.

« Hélas ! le danger ne devait pas tarder à être aussi grand dans la caverne que dans le couloir où j’avais cru trouver le salut.

« Pendant trois longs jours j’errai dans ces salles désertes et renouvelai mes efforts pour en soulever les portes, mais inutilement, et le désespoir commençait à s’emparer de moi, je ne dormais que quelques instants d’un sommeil plein de terreurs, lorsqu’un matin, je fus réveillé par un cri semblable à celui qu’avaient jeté les individus qui m’avaient précipité dans ce mystérieux repaire.

« Ne voulant à aucun prix retomber entre leurs mains, je rentrai dans le passage humide, aimant mieux être dévoré par les bêtes féroces que de subir les supplices par lesquels les faux monnayeurs ne manqueraient pas de venger sur moi la mort de leurs compagnons.

« Je m’élançai tête baissée dans ce couloir, sans m’inquiéter des chauves-souris qui me fouettaient le visage ni des fauves qui s’éveillaient en rugissant. Comme la première fois, au moment où j’arrivai à la fissure du rocher, deux yeux ardents s’arrêtèrent sur moi.

« Au lieu de reculer, je m’élançai. J’avais apprécié que cette crevasse était assez grande pour que mon corps pût y passer, et je venais de m’y engager, lorsque je sentis mon bras pris comme dans un étau ; je fis un effort pour me dégager ; la moitié de mon bras, arrachée par les griffes ou brisée par les dents d’un chacal ou d’un tigre, resta dans le passage maudit, et j’allai tomber de l’autre côté sur la plage.

« L’émotion et la douleur me firent perdre les sens.

« Quand je revins à moi, j’étais sur un grand sloop, couché au pied du mât et entouré de cinq ou six matelots hindous.

« Un chirurgien indigène pansait ma blessure.

« J’avais perdu beaucoup de sang et j’étais très-faible ; mais le capi-