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— Défie-toi, Roustan ! qu’il me crie encore le capitaine, défie-toi des marias (méchants) qui zétranglent les zens.

« — As pas peur, capitaine ! que ze réponds.

« Arrivé t-à-terre, ze bois quelques verres de tafia et ze vas me promener dans la campagne. Tout à coup, z’aperçois une Indienne qu’elle était zeune et zolie. Ze ne sais pas alors ce qui me monte dans la tête. Ze m’aprosse de cette fille et lui dis quelques petites bêtises. Elle répond dans son baragouin que ze n’y comprenais rien du tout. Alors, ze lui parle par zeste ; elle me répond dans le même langaze, et nous marchons bras dessus bras dessous.

« Nous marssons, nous marssons touzours. « Mais, troun de l’air ! que ze lui dis, ousque tu me mènes comme ça ? » Elle me fait des zestes pour me dire que nous allons dans un case un peu éloignée qu’elle me montre.

« Nous arrivons bientôt dans cette case, elle me fait asseoir sur des feuilles : ze la prends par la taille pour la faire asseoir à côté de moi. À ce moment, elle m’allonge une paire de giffles que j’en vis trente-six sandelles. Macapu ! que ze me dis ! Ze me redresse pour mettre à la raison cette farceuse qui avait la main si leste, mais z’entends un bruit à l’entrée de la case et z’aperçois deux particuliers qu’ils avaient pas l’air de rire et qui m’offrent une cravate. Ze veux la prendre, mais ils veulent me la mettre eux-mêmes. Ce sont ces deux-là. »

Et l’intrépide Roustan désignait deux des accusés.

— Un des deux saute sur moi, poursuit-il, et il essaie de me passer sa petite machine autour du cou.

« Alors ze me rappelle la recommandation du capitaine et ze me dis : Mon pauvre Roustan, tu es fl…ambé ! Mais ze me laisserai pas t-étrangler comme un poulet, tas de brigands, que ze leur dis. Alors ze commence à zouer des bras et des zambes ; les deux Étrangleurs et la coquine d’Indienne se mettent après moi. Ze frappe comme un sourd, ze donne un coup de tête dans la poitrine de l’un, un croc-en-zambe à l’autre et vagué li ! coup de poing par-ci, coup de pied par-là, et quand je les ai bien esquintés tous les deux, ze ne demande pas mon reste et ze prends la poudre d’escampette.

« Z’entends courir derrière moi, ze me retourne, qu’est-ce que c’était ? C’était ma scélérate d’Indienne qui me faisait des signes pour me dire de m’arrêter.

« Roustan a pas peur des hommes, à plus forte raison, il a pas peur d’une femme.

« Ze m’arrête et zuzez de ma surprise ; elle me parle en provençal. Vous le croirez ou vous ne le croirez pas, monsieur le président, cette Indienne était une Marseillaise, une compatriote qu’elle avait épousé un Indien à la suite d’un naufrage où elle avait failli se noyer. Elle me raconta son his-