« D’autres lèchent des charbons ardents, ou les arrangent en brasier sur le sommet de leur tête.
« Ceux-ci présentent leurs mains ou leurs jambes à la morsure des serpents.
« Ceux-là, se procurant, à l’aide de procédés mystérieux, une catalepsie artificielle, se font enterrer vivants et passent jusqu’à huit jours dans leur fosse volontaire.
« Certains yogis, moins prétentieux, font vœu de tenir un bras horizontalement pendant six mois, un an, deux ans ; et il leur arrive souvent, ce qui est arrivé à Oudjayani, que le bras s’ankylose, que les muscles extenseurs se dessèchent et que l’usage en est à jamais perdu.
— Il n’est pas inutile d’ajouter, dit le président, que ces pratiques bizarres et superstitieuses, ces supplices, ces inhumations volontaires sont le gagne-pain des yogis. La chaîne qu’ils portent leur sert comme de cloche pour avertir de leur passage les populations des villages. Elles s’empressent d’apporter leurs offrandes à ces moines nomades, qui se dédommagent, dans leurs banquets clandestins, des privations et des souffrances qu’ils s’imposent. N’est-ce pas, Oudjayani ?
— Je ne veux pas contredire Votre Seigneurie, répondit l’Hindou.
— Faites maintenant part au tribunal de ce que vous savez, lui ordonna sir Monby.
— Nous étions treize yogis qui avions formé une association. Avec mon bras levé, j’étais pour ainsi dire le porte-enseigne ; notre chef était un certain Vlicâsâ qui excellait dans l’art de se faire enterrer vivant ; il était célèbre sous la dénomination de l’Inhumé.
« À peine entrait-il dans une ville, que la moitié de la population l’escortait en criant : « Seigneur fakir ! aurons-nous le bonheur de vous voir enterrer ? Daignerez-vous nous faire enterrer ici ? » Mais Vlicâsâ n’accordait pas cette faveur à tout le monde, quoique ce fût un exercice peu dangereux pour lui.
« Au mois de juillet dernier, notre caravane, errant dans la vallée de Coïmbatore, passa devant un édifice qui avait l’air d’un grand tombeau et dont la façade avait aux angles des têtes de morts.
« C’était un temple de Kâly.
« L’idée nous prit d’y entrer.
« Au fond du sanctuaire était la statue colossale de la déesse.
« Elle était représentée avec quatre bras ; une de ses mains tenait un cimeterre ; une autre, une couleuvre ; la troisième, un vase rempli de sang ; la quatrième, la tête du géant Dourga.
« Elle avait pour pendants d’oreille deux cadavres, un collier de crânes