fille. Un homme s’est présenté qui consentait à l’épouser si le séducteur était mort. Nazir s’est mis en route. Il a puni et il rapporte la preuve du châtiment à celui qui doit épouser son enfant.
« Tout cela était dit de ce ton doux et lent que prête à la voix le dialecte de l’Hindoustan.
« J’étais convaincu que cet homme me mentait, mais il m’avait deux fois sauvé la vie, je ne pouvais manifester hautement l’horreur qu’il m’inspirait ; je me contentai donc de détourner la tête.
« Nazir, sombre et impassible, retourna prendre sa place.
« Le colonel le suivit des yeux, en me disant :
« — Voilà un singe qui m’est suspect ; si je le rencontrais dans les jungles, je lui enverrais une balle avec aussi peu de remords que si je tirais sur une bête féroce.
« Soixante-douze heures plus tard, au point du jour, nous jetions l’ancre devant Calcutta.
« À peine débarqué, je me rendis chez l’agent de notre maison. Depuis la veille, il était parti pour ses achats à Kryagar, dans l’intérieur des terres. À toute force, il me fallait au plus vite aller le rejoindre.
« Je volai, pour faire mes adieux au colonel, à North India, l’hôtel où il était descendu.
« La bravoure et les hauts faits du colonel étaient assez connus dans l’armée coloniale pour que le bruit de son arrivée se fût vite répandu. Je le trouvai attablé avec une douzaine d’officiers supérieurs qui riaient à gorge déployée, en l’entendant raconter qu’il venait chercher aux Indes la vraie recette du karick à l’indienne.
« Au même instant parut Calm, porteur d’un plat tout fumant qu’il plaça devant son maître.
« Ireton y goûta.
« — Oui, Calm, celui-ci est meilleur que ton dernier à Londres ; mais ce n’est pas encore celui que m’a fait un jour manger ici le capitaine Clowe. Au fait, qu’est-il donc devenu, mon brave Clowe ?
« — Il a rejoint sa nouvelle garnison à Nagpour.
« — Dès demain je partirai pour aller lui demander sa recette. Soixante lieues dans les terres ne t’effrayent pas, vieux Calm ?
« — Ah ! colonel, je vous suivrais à cloche-pied jusqu’en Chine.
« — À propos, et les Thugs ? demanda tranquillement le colonel, ces animaux-là existent-ils toujours ?
« — Oui, dit un major ; mais vous n’avez rien à craindre pour votre voyage. À cette époque de l’année, les changements de garnisons nécessitent le déplacement de troupes qui sillonnent la route jusqu’à Nagpour.