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après, son amour s’armait déjà de cette haine inconsciente qui accompagne toujours, dans les âmes viles, les passions inassouvies.

Quant au faux bonhomme, heureux de sa victoire et fier d’avoir aussi bien joué son rôle, il remonta chez lui pour y exécuter, avec une maestria qui disait toute sa satisfaction, le Salve Regina de Pergolèse.

Pendant ce temps-là, Marguerite pleurait ; mais le soir, lorsqu’elle s’assit à table, en face de son père, sa physionomie était si calme que M. Rumigny n’eut aucune peine à se persuader que c’était vraiment par amour filial qu’elle avait refusé de devenir Mme Morin.

Si l’ex-négociant mélomane avait été plus observateur ; si son égoïsme ne lui avait pas ordonné de tout rapporter à soi, ce calme l’eût au contraire effrayé. Il aurait compris que cette journée avait été décisive pour Marguerite, et que l’indigne comédie dont il s’applaudissait venait de lui enlever en partie le cœur de son enfant, en y faisant naître un levain de révolte qui éclaterait fatalement un jour.

Les femmes jugent volontiers par comparaison. Mlle Rumigny, si pure que fut son âme, avait opposé à cette passion ridicule de son cousin un de ces amours idéals qui bercent si souvent les