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trouverait à chaque pas entre lui et son enfant !

À ces idées, M. Rumigny se révoltait, traitait d’absurdes et d’immorales ces lois naturelles qu’il nous faut tous subir, et il se prenait parfois à ne plus aimer, jusqu’à détester sa fille, lorsqu’une lueur de raison le forçait d’admettre qu’elle se marierait un jour.

Ah ! qu’il le haïssait par avance ce gendre inconnu pour lequel il avait élevé, nourri, adulé son enfant ; cet homme qui aurait acquis du soir au lendemain le droit de lui dire : tu ; qui l’emmènerait peut-être bien loin ; auquel, plus qu’à son père encore, Marguerite devrait obéissance et affection !

— Eh bien, soit ! disait alors le vieillard, pour se consoler et amoindrir l’horreur que lui causait cet avenir, soit ! je lui trouverai un mari, puisqu’il le faut ; mais je le choisirai moi-même ; je lui donnerai un homme mûr, sage, un de mes amis, qui la rendra heureuse. De cette façon, la séparation sera moins pénible, et même je ne me séparerai pas d’elle. Mais un jeune homme, un de ces fats, un de ces présomptueux, un de ces beaux garçons vaniteux et bêtes dont les jeunes filles s’amourachent sottement, et qui les trompent, battent et ruinent, jamais ! J’aimerais mieux la voir morte !