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son plumage, la grue lève une de ses pattes et se dispose au sommeil, le pélican se pelotonne et semble une boule de neige dans les roseaux, le canard pousse des cris confus, et le faisan d’eau, au corps blanc et à la tête brune, flotte comme Brahma dans une feuille de lotus que pousse sur les eaux la brise du soir. Le jaguar, d’un bond, gagne son repaire sur les branches d’un latanier ; le crocodile s’étend paresseusement dans les roseaux ; le léopard, de sa voix aigre et basse, rappelle sa compagne à la tanière ; l’aigle aquatique jette une dernière fois, en passant sur le torrent, sa clameur vibrante ; et le silence se fait, plein des bruits mystérieux de toute cette nature qui repose, et que vient parfois troubler la note voilée et traînante, semblable à un cri de douleur traversant l’espace, que laisse tomber d’une façon lugubre le guamala, l’oiseau diable[1]. »

J’étais au beau milieu de mes rêves, lorsque mon cheval s’arrêta tout à coup. Je revins à moi.

Heureusement que l’intelligent animal n’avait point été aussi distrait que son maître, car Dieu sait où je me serais réveillé, dans la vallée des Rubis peut-être ! J’étais tout simplement à la porte du King’s-hotel, ce qui pour le moment valait infi-

  1. Le guamala est un oiseau de nuit qui inspire une si grande frayeur aux Indiens qu’ils disent que sa vue est un présage de mort. Ils sont si convaincus que rien ne pourrait les arracher à leur sort, qu’un voyageur digne de foi rapporte qu’un de ses domestiques s’est laissé mourir de faim parce qu’il avait aperçu un guamala.