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ne pas s’échouer sur le sable. Deux longueurs de bras seulement la séparaient encore de nous. Le commandant du Fire-Fly allait la saisir par l’arrière, afin de la maintenir au large et nous permettre d’embarquer, lorsque, tout à coup, il poussa un cri de rage et de désespoir, en se jetant brusquement à terre pour éviter un coup de feu dont j’entendis la détonation.

L’homme qui tenait la barre de la pirogue venait de lui tirer à bout portant un coup de pistolet, dont la balle, comme par miracle, ne l’avait pas atteint. Croyant l’avoir frappé à mort, il s’efforçait de pousser au large en criant :

— Tu vois, chien ! comment se venge un Indien ; souviens-toi des rives du Panoor !

Je compris que nous étions perdus : le Malabar nous avait rejoints.

Il mettait une seconde fois en joue mon malheureux ami qui s’était relevé en murmurant : lui, lui, toujours lui ! lorsque la pirogue, qui commençait à se détacher du sable, vira brusquement, puis, venant en travers à la lame, chavira malgré les efforts de ses rameurs pour la redresser. Notre matelot, que nous avions oublié pendant cette scène affreuse, s’était glissé le long de l’embarcation sans être vu du Malabar tout entier à sa vengeance, et, se cramponnant aux avirons d’un bord, il lui avait imprimé ce mouvement de rotation qui l’avait livrée à la merci des vagues, qui l’eurent bientôt couverte et engloutie.