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Sir John était atterré ; le sentiment de son impuissance l’accablait.

Je crus un moment qu’il allait se jeter dans les flots pour tenter au moins de gagner son bâtiment à la nage, mais un sourire amer se dessina sur ses lèvres en reconnaissant la folie d’une semblable tentative, et il se laissa tomber sans force sur un rocher en murmurant des mots sans suite. Un de nos matelots, qui avait voulu escalader la falaise qui se dressait à pic derrière nous, avait roulé au milieu des brisants et n’avait pas reparu ; l’autre, avec cette insouciance de l’Indien fataliste, s’était accroupi sur le sable et semblait n’être plus qu’un témoin pétrifié du drame qui se passait sous ses yeux. Je ne quittais pas, moi, madame Lauters qui, déjà deux fois, avait failli être entraînée par les vagues. Comme mon ami, je sentais qu’il y avait contre nous un enchaînement fatal à la marche duquel toute résistance était inutile. Nous ne pouvions quitter ce coin de plage auquel nous devions la vie que lorsqu’une embarcation viendrait nous prendre. D’abord, viendrait-elle ? puis n’arriverait-elle pas trop tard ? la marée ne couvrait-elle pas à la haute mer, le banc de sable où nous étions ? Il nous semblait à chaque instant que l’espace se resserrait autour de nous.

Nous ne nous communiquions même pas nos pensées, nous suivions avec angoisse le bruit du feu qui s’éteignait parfois pour reprendre ensuite avec plus de force.

Il y avait peut-être une heure que nous suppor-