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Elle prit, comme nous, la passe entre la première et la deuxième Barre, mais la brise fraîchit un peu, et, malgré les vingt avirons qu’elle avait armés, nous la perdîmes de vue après une heure de marche à peine, c’est-à-dire par le travers de la pointe Ladrone.

Nous étions tous à bord d’une tristesse inouïe. Canon n’était monté sur le pont que pour veiller à la manœuvre. La poignée de main qu’il m’avait donnée, en me laissant le service, m’en avait dit plus que toutes les paroles. M. Lauters restait auprès de sa belle-sœur, M. Hope s’était enfermé chez, lui pour régler les comptes du bâtiment, les matelots semblaient comprendre et respecter la douleur commune en exécutant presque sans bruit les ordres que le maître d’équipage ne donnait qu’à demi-voix. J’étais donc seul sur la dunette avec Morton, faisant manœuvrer suivant les indications du hochang[1], lorsqu’à la pointe Malcol le calme nous prit subitement, masqués que nous étions par les grandes terres de la rive droite du fleuve.

Il était à peu près midi, tout l’équipage reposait sous les tentes de l’avant, je venais de faire venir sur bâbord pour longer l’île du Tigre, la brise commençait à fraîchir, lorsque j’aperçus, débouchant de la pointe Keshen de l’île d’Anunghoy, quatre grands bateaux mandarins qui faisaient force d’avirons pour gagner le milieu du Tigre. Je reconnus, en même

  1. Pilote.