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traste plus saisissant encore avec la situation terrible où nous nous trouvions.

Nous jetions à chaque instant des regards en arrière, nous attendant à voir reparaître les pirates.

Dans ces alternatives de craintes et d’espérance, nous gagnâmes enfin, brisés de fatigue, le petit village de Dorfer, sur la côte nord de l’île des Français.

Nous hésitâmes un moment pour y faire halte, mais après avoir réfléchi à ce qu’avait d’indispensable pour les blessés, et surtout pour madame Lauters, notre prompt retour à bord, nous continuâmes notre course afin de franchir au plus vite les trois milles qui nous séparaient encore du Fire-Fly.

Le courant nous portait si rapidement que je quittai mon aviron pour aider sir John à transporter sous la tente notre malheureux ami déjà glacé par la mort. Ce fut une lutte affreuse qu’il nous fallut subir. Sa malheureuse jeune femme, qui, jusqu’alors, était restée sans mouvement, sans prononcer une parole, ses yeux hagards et sans larmes fixés sur les traits contractés de son mari, revint tout à coup à elle. Poussant de grands cris, elle se mit à défendre ce corps inanimé et à se jeter sur lui en l’entourant de ses bras. Elle imprimait de si violents mouvements à la yole que nous dûmes, pour ainsi dire, lui arracher le cadavre, que le commandant du Fire-Fly transporta à l’arrière pendant que je la maintenais. Elle retomba bientôt dans une atonie complète. Nous pûmes alors la porter, elle aussi, sous la tente dont nous baissâmes les rideaux, afin que les pêcheurs,