Page:René de Pont-Jest - Le Fire-Fly.djvu/404

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je restai à un des avirons de l’arrière pour encourager nos hommes ; sir John, escaladant les bancs, s’approcha de son malheureux ami qui ne donnait plus signe de vie. Le fer de la lance avait pénétré entre la quatrième et la cinquième côte et avait causé de graves désordres à l’intérieur. La malheureuse madame Lauters était folle de douleur. Sans pouvoir prononcer une parole, sans qu’une larme s’échappât de ses yeux, elle tenait sur ses genoux la tête pâle de son mari. Le contrebandier fit comme il put un bandage avec des mouchoirs, mais il me fit signe qu’il n’y avait plus d’espoir, à moins d’un miracle.

Je lançai la yole à travers le fleuve afin de gagner la rive gauche.

Ce fut alors une course affreuse de tristesse et d’angoisses, sur les eaux blanches du Si-Kiang que le soleil, en s’élevant à l’horizon, dégageait des brumes du matin. Le silence de la mort régnait autour de nous ; aux murmures des flots que chassaient nos avirons, se mêlaient seulement le bruit de la respiration haletante des rameurs, qui sentaient que, dans leur énergie, était leur salut et le nôtre.

Les rivages verdoyants de l’île des Français sortaient peu à peu du brouillard, tous ces bouquets luxuriants qui bordent, dans ces parages, les rives du Si-Kiang, étalaient coquettement leurs richesses autour de nous ; par moment des volées joyeuses d’oiseaux passaient sur nos têtes ; tout enfin semblait saluer la nature et la vie, comme pour faire un con-