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lement. Nous commencions à craindre sérieusement de ne jamais arriver aux factoreries, lorsque, tout à coup, en poussant au large d’une énorme jonque contre laquelle nous avait jetés le courant, nous aperçûmes des milliers de lumières se reflétant dans l’eau. La brise nous apporta presque aussitôt des sons joyeux d’instruments se croisant dans l’air chargé de parfums âcres et pénétrants.

Nous étions à vingt coups d’aviron des bateaux de fleurs, ces temples flottants consacrés tout à la fois au jeu, à l’opium et à Vénus. Une amende de quarante piastres, un peu plus de deux cents francs, s’il vous plaît, nous défendait de monter à bord. Il est vrai que nous étions, sir John et moi, parfaitement décidés à violer la défense et à ne pas payer l’amende ; seulement, il fallait, pour arriver à ces deux bons résultats, éviter les bateaux mandarins et les policemen chinois.

Le commandant du Fire-Fly n’eût point été un véritable contrebandier d’opium, s’il n’avait pas connu quelque peu les bateaux de fleurs, où se consommait, en se consumant, une si grande quantité du cher poison dont il apportait sa bonne part du Bengale ; notre ami Fo-hop n’eût point été Chinois s’il n’avait pas eu un peu la passion du jeu.

Sir John crut néanmoins devoir me prévenir, tout en faisant diriger notre yole vers la ville flottante, que l’amende n’était pas le seul danger à courir dans notre visite aux Laïs chinoises : nous avions encore à nous défier d’un coup de couteau ou d’un