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immenses intérêts commerciaux, les ressources agricoles avaient été complètement oubliées. À toucher les dernières maisons de la ville s’élevaient encore, à cette époque où j’y abordai pour la première fois, des forêts impénétrables servant de refuge aux bêtes féroces qui, parfois, la nuit, descendaient jusque dans les rues. À peine rencontrait-on çà et là quelques plantations de gambiers et de poivriers, cultivées par les Rabas ou créoles chinois.

La rade offrait le plus extraordinaire coup-d’œil.

Toutes les nations y étaient représentées, tous les pavillons y faisaient miroiter leurs éclatantes couleurs sous le souffle parfumé de la brise du détroit de Rhio. Plus de deux cents navires étaient à l’ancre. C’étaient des clippers américains avec leurs grandes voiles de lin, des proas malais avec leurs éperons recourbés et peints de mille couleurs, de gros bâtiments hollandais galipotés et vernis, des trois-mâts français et anglais avec leurs longues batteries blanches, des boutres arabes aux équipages bariolés, de lourdes jonques chinoises avec leurs voiles de jonc et leurs massives mâtures, et des embarcations siamoises, fines et longues comme des gigues anglaises.

Aucune cité n’a composé sa population avec des parties aussi hétérogènes que Singapour. De même que, dans la rade, tous les pavillons se déferlent, de même, dans les rues, toutes les nations se coudoient, rapprochées par cette attraction toute puissante de l’intérêt. Cependant, encore là se trouve la division