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Deux ou trois fois elle saisit l’étoffe entre ses mâchoires, mais la lâcha presque aussitôt. Enfin, elle la prit à belles dents ; je l’attirai violemment à moi. Je crus que le foulard allait se déchirer et que mon gros ami allait perdre l’équilibre, tant j’étais obligé d’employer de force. Je donnai une dernière secousse. Le foulard me vint à la main taché de sang, maculé d’une liqueur noirâtre et avec deux dents acérées et creuses qui le traversaient de part en part. Le reptile dénoua ses anneaux en laissant retomber sa queue dans les herbes. Avec ses crochets il venait de perdre toute sa force. Je lui donnai ma cravate à mordre encore à une ou deux reprises, afin d’enlever aux autres dents le venin qui pouvait y être resté ; sir John appuya une dernière fois de ses cent kilos sur la naja, mais en ayant l’air de trouver cette dernière précaution parfaitement inutile ; puis, il fit gracieusement un saut de côté avec un ouf ! de satisfaction d’avoir mené à bien cette opération assez délicate que nous venions de faire.

— Cher ami, me dit-il, ce n’est pas plus difficile que cela. Vous voilà de la force d’un Psylle de Libye. Vous voyez, la naja est raide comme un bâton. Maintenant, elle peut se réveiller et mordre, elle vous fera autant de mal qu’un king’s Charles de six mois. Seulement, si j’avais été piqué par elle, vous auriez pu faire vos adieux à votre commandant. Pendant la saison des pluies surtout, sa morsure ne pardonne pas.