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son projet, — nous cherchâmes tous à le consoler et à l’aider à tirer le moins mauvais parti possible de sa brillante cargaison. Il y avait une quinzaine de jours que j’avais été relâcher sur les côtes de Moura-Singh, espèce de niais fort amoureux des usages européens ; il me passa par la tête l’idée saugrenue de lui adresser le capitaine bordelais. Chacun rit de ma proposition, et nous décidâmes le Gascon à faire voile pour Bali afin d’aller offrir au radjah, comme vaisselle de table, tous ses ustensiles. Nous croyions vraiment qu’il n’en ferait rien ; nous le vîmes partir convaincus que, dès qu’il serait sorti de la rade, il mettrait le cap vers quelque grand centre de l’Inde pour se débarrasser à vil prix de son hétéroclite chargement. Ah ! bien, oui !

— Comment ! il alla à Bali ? interrompis-je en retenant un fou rire.

— Parfaitement ! Comment s’y prit-il ? Je n’en sais rien. Mais ce qui est positif, c’est qu’après quinze jours d’absence, il revint à Batavia parfaitement enchanté et si ravi que, par reconnaissance, il nous offrit à tous un superbe festin qu’il ne nous servit pas du tout dans sa vaisselle, je vous prie de le croire. Il avait tout placé chez Moura-Singh.

— Sérieusement ?

— Très-sérieusement.

— Mais je ne vois pas là pour vous un motif…

— Oh ! attendez ; mon histoire ne finit pas là. Un beau jour, une corvette anglaise vint mouiller dans