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Le jungle n’est pas la forêt, il n’est pas la plaine. Les arbres, toujours éloignés les uns des autres, y atteignent des hauteurs prodigieuses, rien ne les gène. Ils s’étendent en liberté, et le long de leurs troncs gigantesques s’élèvent des lianes, des herbes parasites qui les relient entre eux. Le manguier envoie jusqu’au jaquier les rameaux de ses branchages touffus ; le tamarinier baigne ses feuilles dans les ondes infectes d’un marais ; le mancenillier tue jusqu’aux oiseaux que la fatigue fait approcher de son feuillage empoisonné, et, sous les grandes feuilles du talipot, se jouent l’écureuil et le singe, pendant que, dans les touffes de roseaux et de bambous, le léopard, la hyène et l’ours guettent au passage le cerf et le daim.

On ne saurait croire quelle tristesse s’empare du cœur à la vue de cette végétation si belle, si puissante cependant. On devine, on sent que ces luxuriants voiles de verdure de tons si doux, si harmonieux au regard, ne sont que des linceuls pour tout être humain. Les parfums acres, pénétrants de ces fleurs aux mille couleurs, le cerveau s’alourdit en les respirant, et les lèvres se sèchent aux baisers embaumés de cette atmosphère lourde et qui enivre.

Le troisième jour de notre navigation, nous arrivâmes, vers le milieu du jour, à Bintame, bourgade assez importante qui baigne ses cases sur la rive droite du fleuve. Nous résolûmes de laisser là notre embarcation pour continuer notre route par terre,