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tirait du jeu, au hasard, deux autres cartes, dont les chiffres probablement décidaient de la perte ou du gain du joueur. Invariablement, les piastres s’engouffraient dans les vastes poches du Chinois.

Comprenant qu’il allait se passer là quelque drame dont nous n’avions pas le moins du monde envie d’être les spectateurs, nous laissâmes aux prises nos deux joueurs, autour desquels la foule grossissait, pour jeter un coup d’œil sur les autres tables.

Chacune d’elles, sans exception était sous la direction d’un Chinois. Sur l’une roulaient des dés, sur l’autre de petits morceaux d’ivoire dont le joueur devait deviner le nombre, mais, en tout cas, sur toutes brillaient l’or et l’argent.

Puis, comme il fallait bien que les plus pauvres pussent aussi bien que les plus riches se ruiner, il y avait çà et là, accroupis sur le sol, dans un coin, des industriels, toujours Chinois, dont le champ de manœuvre était tout simplement une petite natte étendue à terre. Les cauris, les sapecks, les sous marqués de Bourbon, toutes les divisions de cuivre, enfin des monnaies d’argent s’y amoncelaient ; mais la chance me sembla toujours favoriser singulièrement les sujets du Céleste Empire, aux dépens des pauvres diables qui venaient perdre là le produit du travail de toute une semaine. Il est vrai que les sujets du Céleste Empire aidaient peut-être un peu le hasard, trouvant sans aucun doute, comme de Bernis, que « le hasard est un mot qu’inventa l’ignorance ».