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tout à coup mille bruits éclatants, impossibles à rendre, troublèrent le silence de la nuit. Les sculptures qu’il m’avait semblé voir sur les murailles s’étaient animées ; de tous les côtés, des centaines d’oiseaux de proie s’étaient élancés au-dessus des eaux sacrées pour y attendre et s’y disputer les cadavres.

Je vivrais dix fois le temps ordinaire de l’existence que je ne pourrais oublier ce fantastique et lugubre tableau. Autour de nous, des bûchers où crépitaient des corps à demi calcinés, et entre lesquels s’agitaient les ombres des Hindous ; en face de nous, les flots noirs et boueux du fleuve qui se refermaient avec un bruit sourd sur les morts, puis, au-dessus de nos têtes, des oiseaux farouches multipliant les cercles concentriques et les ellipses de leur vol.

Je ne pus m’empêcher de me boucher les oreilles et de fermer les yeux ; mais il me sembla longtemps encore voir et entendre, tant mon esprit avait été frappé.

Sir John m’arracha enfin à ma stupeur, et nous reprîmes le chemin de Calcutta où nous ne rentrâmes que fort avant dans la nuit, non pas sans avoir été obligés de faire à plusieurs reprises usage de nos armes pour nous débarrasser des chacals, qui, dès les ténèbres, rodent sans cesse dans le faubourg du Peltah pour prendre, eux aussi, leur part de la hideuse curée.