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de Jaggernaut, et s’étendre le blanc linceul de la barre du rivage d’Orissa, lorsque, tout à coup, au milieu d’une espèce d’accalmie du vent, la foudre éclata sur nos têtes en mille gerbes de feu, et vint fracasser le petit mât de hune.

Ce fut un cri d’horreur et d’effroi qui s’échappa de toutes les poitrines. La secousse avait été si violente et si terrible sur le mât de misaine, que les hommes occupés à serrer la voile avaient été précipités sur le pont et dans les flots.

Il me sembla entendre des cris de détresse sur les vagues qui passaient en mugissant le long du bord.

Canon, sans attendre l’ordre de Wilson, s’élança vers l’avant, une hache à la main. Le mât de hune, encore chargé de sa vergue, retenu par ses haubans et ses étais, était tombé à tribord, et ses secousses contre la muraille pouvaient faire déclarer une voie d’eau.

En deux bonds, armé comme lui, je le rejoignis. Bientôt les tronçons du mât brisé par la foudre furent emportés par les lames. Pendant ce temps, les gabiers du grand mât, exécutant les ordres du commandant, avaient pris le troisième ris au grand hunier et établi sur l’étai d’artimon une voile de cape. Les blessés avaient été mis à l’abri dans la chaloupe. Ce fut, pendant les deux heures de travail qu’il nous fallut pour rétablir l’ordre à bord, un douloureux et lugubre concert que celui de leurs plaintes mêlées aux grondements de l’orage.