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La jeune fille était peut-être encore plus jolie que la veille. Elle avait mis pour venir au temple ses plus splendides vêtements, ses plus riches parures, et elle empruntait vraiment à cette situation poétique dans laquelle nous la montrait, à nous autres Européens, cette cérémonie religieuse de l’Inde, quelque chose de romanesque bien fait pour charmer l’esprit et les sens.

Avertie de notre arrivée par le houkabadar, elle nous avait promptement découverts dans la foule. Souvent de ses grands yeux noirs partait un long regard qui disait mille choses que j’eusse volontiers arrêtées au passage, sans pitié pour mon ami.

Afin de ne pas trop me laisser tenter, je cessai de m’occuper des deux amoureux et je me mis à examiner la statue de Laschmi, une des femmes de Vichnou, qui, adossée à un des murs de la pagode, semblait un peu oubliée des fidèles ainsi que sa compagne, Sarassouati, la seconde épouse du Dieu, dont l’idole était placée, en face, du côté opposé.

L’examen que je faisais là et les réflexions auxquelles il pouvait m’entraîner étaient du reste parfaitement de circonstance, car la statue me rappelait les malheurs du Dieu à propos de ses femmes, dont l’une parlait toujours, tandis que l’autre ne restait jamais en place ; si bien que Vischnou, tout Dieu qu’il était, finit par en être si malheureux qu’il devint sec comme un morceau de bois, forme sous laquelle on l’adore à Jaggernaut.