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qu’on avait fini par lui croire quelque amant inconnu.

Ce n’était pas tout à fait exact, mais un beau garçon de vingt-quatre ans, Jean Mourel, fort habile graveur, était à peu près son fiancé, non pas qu’elle l’aimât passionnément, la fillette aimait surtout sa petite personne, mais, de tous les jeunes gens de son milieu, c’était le plus élégant, le plus généreux, et son choix la flattait.

Si elle n’était pas sa femme depuis déjà plusieurs mois, c’est qu’elle lui avait dit un soir où il s’était montré fort pressant :

« — Nous sommes sans le sou, vous et moi. Ce serait unir deux misères ; mais le jour où vous aurez seulement cinq mille francs d’économies, nous irons à la mairie. Je vous attendrai un an, deux ans et même plus, s’il le faut. Toutefois, tant que je ne serai pas Mme Mourel, je veux être entièrement libre et danser à ma fantaisie. C’est à prendre ou à laisser. À vous d’avoir confiance en moi !

Jean, qui paraissait sincèrement épris, avait eu confiance, et il s’en était allé chercher fortune à Paris, en plaçant Rose sous la surveillance de son intime Charles Durest, un clerc d’huissier, dont il pensait n’avoir rien à craindre, car il était aussi laid et aussi mal tourné que possible.

Petit, malingre, blafard, louchant atrocement, le masque absolument comique et non sans une sorte d’esprit naturel, sceptique et gouailleur, le fabricant de protêts était rempli de prétentions, et il faisait tout au monde pour supplanter son ami, en s’efforçant de persuader à Mlle Lasseguet que lui seul l’adorait vraiment, tandis que Nourel l’oublierait bientôt,