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gaz en forme de lyre, et dont le pourtour, espèce de galerie, était garni de petites tables de marbre pour les consommateurs.

Puis, juché sur une estrade, au fond, un orchestre d’une composition quelque peu hétéroclite : deux serpents d’église, clarinettes le soir, vivant ainsi du profane et du sacré, deux violons allemands et deux cornets à pistons infatigables.

Ce sextuor raclait et soufflait avec un ensemble suffisant, et l’une des plus assidues parmi les prêtresses de la chorégraphie libre que ces musiciens entraînaient deux fois par semaine, sans compter les jours de fête, était une jeune fille de seize à dix-sept ans, Rose Lasseguet, dont la taille flexible, la forêt de cheveux blonds, les grands yeux de myosotis, la petite bouche moqueuse et une sorte de distinction native faisaient une des plus séduisantes créatures qu’il fût possible de voir.

Orpheline, n’ayant plus pour parente qu’une vieille tante, veuve d’un ancien employé des postes et qui l’adorait, Rose en abusait pour vivre à peu près à sa guise, c’est-à-dire pour ne faire qu’un bond, les soirs de bal, de son magasin de modiste à la salle Besnard, où l’attendaient vingt amoureux, les uns, ceux qui étaient de sa classe, pour lui offrir de l’épouser, les autres, les riches, ceux qui la pensaient à vendre, pour lui promettre, en échange d’un baiser et de plus encore sans doute, tout le luxe qu’elle pouvait rêver. Mais Rosette, comme on l’appelait familièrement était honnête ou plus ambitieuse qu’elle ne le paraissait, car, sans se ficher de tous ces assauts à sa vertu, elle répondait : Non, d’un petit ton si décidé