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tence. Ce grand hôtel, sans amis de son âge, doit lui sembler bien triste.

— Ça, c’est vrai, père, répondit l’enfant, en jetant un coup d’œil malicieux à son précepteur.

Le pauvre prêtre ne savait que répondre. Heureusement qu’au même instant Germain vint annoncer à son maître que M. Isaïe Blumer sollicitait l’honneur d’être reçu.

— Conduisez-le dans le fumoir commanda M. de Blangy-Portal ; je vais l’y rejoindre. Portez-y du café, et quand M. Guerrard reviendra, vous le ferez entrer près de nous.

Puis il se leva de table, embrassa du bout des lèvres son fils, dit à l’abbé : « Nous reprendrons notre conversation un de ces jours », et il sortit de la salle à manger pour gagner ce salon où, la veille, il avait fait à son compagnon de plaisir de si tristes aveux sur sa situation financière et où Ïsaïe Blumer l’attendait.

Cet Isaïe Blumer n’était pas un de ces israélites de la nouvelle école, produit absolument moderne, parisien surtout, joyeuse antithèse à toutes les traditions, c’est-à-dire un élégant, un viveur, un dépensier ; mais ce n’était pas non plus un de ces juifs fantaisistes des romanciers, aux vêtements sordides, à l’épine dorsale trop flexible.

Il n’avait rien de ce type imaginaire. Sa race se trahissait à son nez un peu busqué et à ses lèvres fortes, mais c’était tout. Sauf cela, il ressemblait au premier bourgeois venu.

Né au centre de la France et même excellent Français, il n’avait aucun accent, ni, non plus, aucune opinion politique. Ainsi que bon nombre de ses core-