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— Robert, je vais cesser d’être pour vous une gêne et un obstacle, mais songez que je vous laisse un fils qui n’a que vous pour soutien et qui doit toujours respecter son père.

Devant cette invocation suprême, le duc avait courbé la tête. Mais nous savons comment il s’était peu souvenu de cet engagement tacite pris envers la pauvre morte, puisque, abandonnant son fils Gontran à Paris, il s’était hâté de partir pour le Midi, où Paul Guerrard s’était également rendu, pour échapper, lui aussi, à la sorte de réclusion que les plus simples convenances imposent à ceux qui sont en grand deuil, lorsque leur seule douleur ne les fait pas s’y réfugier pour pleurer des êtres aimés.

Ces retours indispensables faits sur le passé de nos héros, rejoignons-les dans ce fumoir où M. de Blangy-Portal, après avoir absorbé d’un trait un verre de sherry et allumé un cigare, dit à son hôte, en se renversant sur un large divan :

— Alors, mon pauvre Paul, tu as brûlé, toi aussi, tes dernières cartouches ?

— Absolument, répondit Guerrard, et cette dernière cartouche a fait long feu. N, i, ni, fini ! Plus un radis, et ce qui est autrement terrible encore : plus de crédit !

Cet aveu fait, il vida à son tour le verre que Robert avait rempli et ajouta, en saluant ironiquement le noble descendant des croisés :

— Et vous, monsieur le duc ?

— Moi, ma situation est encore pire que la vôtre, monsieur le docteur, et ma fuine plus complète, car vous pouvez, vous, retourner à vos malades.