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Elle le fixait avec un regard interrogateur qui le gênait. Toute sa physionomie exprimait une telle stupeur qu’il ne savait plus comment achever.

Cependant, après quelques secondes d’hésitation, il reprit, mais en balbutiant, d’une voix presque tremblante, avec un effort visible et sans lever les yeux sur l’infortunée :

— Il ne faut pas trop en vouloir à votre mari. L’orgueil lui fait souvent dire et faire des choses qu’il regrette aussitôt. Ses amis, vous-même et moi, nous l’avons tous gâté. Pardonnez-lui ce qui s’est passé. Votre mère elle-même, si elle était encore là, vous conseillerait l’indulgence, et moi, qui vous suis si dévoué, moi qui… moi aussi, je vous…

— Vous, mon ami, vous mentez ! interrompit vivement Claude, en saisissant les deux mains de Paul entre les siennes et en le forçant à la regarder en face. Oui, vous mentez ! vous savez bien que l’homme dont vous plaidez la cause est indigne de pardon ! Ma mère, dites-vous mais ma mère, c’est lui qui l’a tuée ! Elle est morte de mes douleurs ! Pensez-vous donc que le mépris et la haine, oui, la haine que j’éprouve aujourd’hui pour M. de Blangy-Portal soient nés des paroles cruelles qu’il m’a adressées hier ? Non ! Ces paroles, on pourrait, ainsi que vous le dites, les attribuer à l’orgueil, et, si misérables qu’elles seraient néanmoins, on se les expliquerait peut-être. Mais l’existence que M. de Blangy-Portal a menée ou plutôt reprise au lendemain du jour ou il m’avait vendu son nom, cette existence de joueur et de débauché que j’ai facilitée par mes complaisances pécuniaires cette exhibition qu’il a faite de moi en public, pour plaire à