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rait d’ailleurs ménager en vue de l’avenir, et il lui avait dit :

— Rose m’abandonne ; elle espère sans doute que je ne sortirai jamais de là-bas. Elle se trompe peut-être. En attendant, puisque, toi, tu n’en as que pour huit ans, je te la recommande. Ne la perds pas de vue. Oh ! nous nous reverrons et je me vengerai, je le jure !

Moins de quinze jours après ces débats judiciaires auxquels la population rémoise s’était vivement intéressée, on racontait que la jolie Rose Lasseguet avait disparu, et on affirmait qu’on l’avait reconnue, blottie dans une chaise de poste, sur la route d’Épernay, en compagnie de son ancien adorateur, Albert Rommier.

C’était exact ; les choses avaient suivi un cours en quelque sorte fatal.

Aussitôt au courant de l’arrestation de Mourel et sachant que sa femme s’était retirée chez sa tante, Albert lui avait écrit lettre sur lettre pour la consoler, lui rappeler qu’il l’aimait toujours et lui offrir sa protection ; mais tout entière à sa douleur, Rose ne lui avait pas répondu.

De plus, elle s’était si bien enfermée chez sa vieille parente, qui l’accompagnait chaque fois qu’elle était obligée de se rendre aux appels du juge d’instruction, que Rommier n’avait jamais pu lui adresser la parole.

Alors il avait si patiemment attendu, surveillé, guetté, qu’un soir enfin, quelques jours après l’arrêt de la cour, il était parvenu à se glisser auprès de la jeune femme.

Une fois seul avec la pauvre affolée de honte, il n’avait pas eu grand mal à lui persuader qu’elle ne pouvait plus vivre à Reims, où l’accueilleraient les