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meras ta porte, de m’inquiéter du bonheur de celle qui, grâce à moi, est devenue ta femme. Je dois tout faire pour qu’un beau matin Mme Frémerol ne m’accuse pas de l’avoir trompée, d’avoir sacrifié sa fille à mon amitié pour toi, d’avoir fait même — qui sait jusqu’où pourront aller ses suppositions ? — quelque trafic ignoble, de complicité avec toi.

— Peste ! cher ami, tu deviens vraiment trop susceptible, et surtout tu n’es pas gai. Mais pardon, voici le train. J’espère que tu ne vas pas me trahir auprès de la duchesse ?

— Tu sais bien le contraire ! Mais comme c’est toi que je voulais voir, nous allons faire route ensemble.

— C’est ça, pour que Claude, si elle apprend que tu es venu ici, m’accuse de t’avoir empêché de lui rendre visite et suppose un tas de choses. Fais-moi le plaisir d’aller lui demander à dîner ; ça lui fera grand plaisir et…

— Et tu te débarrasseras de moi !

— J’y songe si peu que si tu veux me retrouver ce soir à Trouville, chez Léa, je te promets d’écouter la péroraison de ta mercuriale.

Et comme un coup de sifflet donnait le signal du départ, M. de Blangy-Portal, plantant là son ami, sauta dans un wagon.

— Allons, se dit le docteur en suivant un instant le train des yeux, le sort en jeté ! Robert est incorrigible, l’existence de sa femme ne sera qu’un long martyre, et si Mme Frémerol ne prend pas des dispositions en conséquence, toute la fortune de ce brave Berquelier fondra dans les mains des filles et sur le tapis vert. Et c’est moi qui aurai fait ces malheurs-là !