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puis il prit place auprès de la duchesse, que le chagrin de sa mère affectait profondément, bien qu’elle espérât la rejoindre bientôt.

Ainsi qu’elle l’avait dit franchement, la jeune femme ne se sentait rien de ce qu’il fallait pour être une grande dame. Si dans les premiers mois de son mariage, son amour-propre avait été naturellement flatté du rang auquel elle s’était si brusquement élevée, il y avait peut-être eu en même temps en elle un espoir inconscient d’aimer et d’être aimée.

Or elle n’aimait pas son mari, elle avait acquis assez d’expérience pour être certaine qu’elle ne l’aimerait jamais, et elle comprenait bien aussi que le duc n’avait pas même pour elle cette affection douce et tendre qui peut, en ménage, tenir lieu d’amour et donner à l’épouse cette satisfaction de cœur qui la laisse vivre dans l’ignorance des passions et l’attache à celui dont elle porte le nom.

Au fur et à mesure que Robert s’était affranchi de plus en plus de ses devoirs envers elle, qu’il avait cessé de la conduire dans le monde, de l’accompagner à l’Opéra, de recevoir, de s’intéresser à ses faits et gestes, de limiter ses relations avec sa mère, et qu’il s’était absenté fréquemment, l’ancienne pensionnaire des Visitandines s’était mieux rendu compte du marché qu’il avait fait en l’épousant, et elle osait à peine s’interroger sur les sentiments qu’elle éprouvait pour lui.

Cette première déception l’avait logiquement conduite à se demander si l’existence à laquelle elle se voyait condamnée était celle d’une femme de son âge et de sa condition, et surtout depuis que les soucis