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rités de Cayenne, à moins qu’il ne fût libéré ou repris de justice.

Or ce n’était point là le cas du mari de Rose ; mais comme il avait confiance en sa bonne étoile et aussi en son adresse, il se mit bravement à côtoyer la rive, s’aidant tantôt de la pagaie, tantôt de la voile, naviguant en quelque sorte sous les arbres mêmes, pour ne pas être vu des navires au large.

Le soir de sa première journée, il avait fait près de vingt lieues sans aucune fâcheuse rencontre.

Alors il amarra sa pirogue aux anfractuosités d’une roche à fleur d’eau et se hasarda à prendre un peu de repos, car il était brisé de fatigue. Depuis trente heures, il n’avait pas fermé les yeux.

Mais, cela se comprend, il ne dormit qu’à moitié, hanté par le souvenir de l’horrible fin de Rabot, fin qui pouvait être la sienne, les parages où il se trouvait n’étant pas moins horriblement peuplés que le Maroni.

Cependant le lendemain, à l’aube, il reprit sa course, évitant avec soin de se trop rapprocher de terre, et, lorsqu’il passait devant des lieux habités, tendant ses filets, laissant pendre sa voile, ne se pressant plus, ayant enfin toutes les allures d’un pêcheur du pays.

C’est ainsi qu’il franchit en soixante-douze heures les embouchures des grands cours d’eau de la Guyane hollandaise le Surinam, la Comorrine, la Cottica, souvent à portée de vue des bâtiments qui venaient de Paramaribo ou s’y rendaient, et il avait tout droit d’espérer qu’il arriverait heureusement au terme de son hardi voyage, car la mer restait belle, bien que le