Page:René de Pont-Jest - La Duchesse Claude.djvu/250

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La nuit était noire, avec un ciel bas et sans étoiles, des plus favorables pour une évasion.

S’il en eût été autrement, et même s’il avait fait grand jour, on n’aurait vu, d’ailleurs, dans la masse flottante où étaient blottis les fugitifs, que ce qu’on apercevait souvent au milieu du fleuve des arbres arrachés aux rives par quelque ouragan et que le courant emportait.

À la hauteur du pénitencier, ce courant n’était guère que de trois milles, mais on le trouvait de plus en plus rapide en aval, au fur et à mesure qu’on gagnait l’embouchure, surtout au moment de la marée descendante !

C’était sur cela que comptait Mourel.

La vitesse de la fuite était en effet une condition indispensable de succès, car le chenal navigable du Maroni longeait absolument la côte française, d’où ils pouvaient être happés au passage par les Indiens, toujours à l’affût des bois de construction à la dérive.

Pour échapper à ce danger, ils avaient immergé à l’arrière de leur bateau un long madrier plat qui leur servait de gouvernail, et ils se tenaient au large autant que le permettait la profondeur des eaux.

Ils naviguèrent ainsi jusqu’à trois heures du matin, et sentirent bientôt que le courant, devenu plus fort, les entraînait.

Cela était heureux, car le jour commençait à poindre. Or on sait avec quelle rapidité il vient et disparaît dans les pays intertropicaux.

Les échappés de Saint-Laurent pouvaient déjà reconnaître à l’avant, à demi découvertes par la marée, les nombreuses îles de palétuviers qui encombrent