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— Tu as mal vu. Regarde entre les bayols.

En s’accrochant à l’une des branches pendantes du palétuvier, Rabot se pencha et aperçut alors, cachée au milieu du feuillage, une petite embarcation.

— Ah ! sapristi, c’est vrai ! s’écria-t-il ; une coquille de noix !

— Bien assez grande pour nous deux !

— Où as-tu trouvé ça ?

— C’est une pirogue que j’ai achetée à des Indiens des Hattes, en leur disant que c’était pour aller à la pêche, en sorte qu’elle est garnie de ses pagaies, d’un mât, d’une voile et même de filets et de lignes.

— Parfait ! Et nous partons ?

— Cette nuit même, après avoir emporté des armes et des provisions. Maintenant que tu sais tout, remontons du côté de Saint-Laurent. Il ne faut pas qu’on y suppose que nous avons fait une trop longue excursion. Ça pourrait donnerl’éveil.

— Toujours mariole (malin) !

Une heure plus tard, ceux des habitants libres de la colonie qui, eux aussi, profitaient du dimanche pour se promener, purent voir Pierre et Jean se livrer à leur passion pour la pêche à peu de distance du pénitencier et vers dix heures du soir, si quelque surveillant était passé devant le carbet des deux amis, il aurait seulement constaté qu’il y régnait un calme des plus rassurants.

Il est vrai que la case était vide, car, au même instant, le faussaire et l’incendiaire s’embarquaient sur leur radeau, coupaient les amarres qui le retenaient aux racines d’un manglier, le poussaient au large et commençaient à descendre le Maroni.