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de confiance, reposait le plus tranquillement du monde, tandis que Mourel, au contraire, demeurait éveillé, tout à son évasion, dont il calculait les moindres chances.

Cependant, le lendemain, il fut prêt le premier, et lorsque, vers sept heures du matin, les surveillants qui venaient de se lever, eux aussi, virent passer devant leur poste les deux transportés, leurs engins de pêche sur l’épaule, ils répondirent amicalement à leur salut, ne se doutant guère qu’ils songeaient si peu à employer leur dimanche à la façon de paisibles riverains de la Seine.

Jean et Rabot suivirent d’abord la route qu’on était en train d’ouvrir en pleine forêt, dans la direction des Hattes, parallèlement au Maroni, en descendant vers la mer, et après avoir marché ainsi pendant plus d’une heure, ils prirent à leur gauche un petit sentier sous bois, qui allait droit au fleuve.

D’épais palétuviers baignaient dans le Maroni les pieds de leurs racines, colonnes rugueuses, sortes de pilotis qui les soutenaient au-dessus du niveau de la rivière et formaient sous leurs arceaux de mystérieux abris.

À travers cet inextricable dédale de végétation, Mourel conduisit Pierre sur la rive.

Là il lui dit, en lui montrant une espèce de radeau naturel, composé d’arbres énormes, acajous noirs et bayols garnis de leurs branches feuillues et solidement retenu aux mangliers de façon à résister au courant qui, sans cela, l’eût entraîné au large :

— C’est là-dessus que nous filerons !

— Là-dessus ? Tu es fou ! En voilà une drôle de chaloupe !