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pour sa femme, elle avait préféré ne pas l’écrire à son neveu, dans la crainte de le faire souffrir davantage encore.

Il advint de ce silence, de cette incertitude ou il était du sort de Rose, que Mourel s’imagina à son tour qu’il l’avait adorée, que c’était en effet, pour pouvoir lui prouver sa tendresse qu’il avait voulu être riche et, conséquemment, que l’oubli de sa part, à elle, était un acte de monstrueuse ingratitude.

Dans d’autres moments, il allait même jusqu’à croire que Mme Mourel devait le pleurer ; que, si elle ne lui écrivait pas, c’était seulement parce qu’elle avait honte de l’avoir abandonné jadis et craignait qu’il ne repoussât ses avances de réconciliation, et il vivait ainsi depuis plus de deux ans, travaillant non seulement pour le bazar du bagne, mais aussi pour les graveurs de la ville, qui le payaient bien, quand, une après-midi qu’il prenait l’air devant son bureau, il vit venir à lui, accompagné d’un adjudant des équipages de ligne, un promeneur qu’il reconnut aussitôt.

C’était Me Duval, son défenseur.

En se rendant en Italie pour y passer ses vacances judiciaires, M. Duval s’était arrêté à Toulon dans le double but de visiter le port militaire et de revoir celui qu’il persistait a considérer comme une victime de l’amour conjugal et à qui, ainsi d’ailleurs que le font presque tous les avocats à l’égard de ceux de leurs clients dont les crimes ne provoquent pas l’horreur, il s’intéressait toujours.

— Oui, c’eat moi, mon pauvre Mourel, dit Me Duval à Juan, en le reconnaissant à son tour.

Le forçat retira vivement son bonnet en s’écriant :