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des accouplés devait régler soigneusement ses moindres mouvements sur ceux de son compagnon de chaîne, car une maladresse ou un mauvais vouloir de l’un pouvait être la mort pour tous deux.

Il est difficile de rêver spectacle plus horrible que celui qu’offraient ces forçats pendant qu’ils exécutaient certains travaux déjà périlleux par eux-mêmes.

Et ce n’était pas tout ! Les bonnets rouges ou verts de « la grande fatigue » ne recevaient aucun salaire, jamais de viande, seulement un peu de vin, tandis que ceux de « la petite fatigue » gagnaient quelque argent, ce qui leur permettait de se mieux nourrir, sans compter qu’ils travaillaient presque toujours à l’abri.

Mais tout cela, momentanément, importait peu à Mourel.

Il se soumit et exécuta les plus rudes corvées sans se plaindre, se contentant d’adoucir son sort et celui de Rabot autant qu’il le pouvait avec la petite somme qu’il avait apportée de Reims et ce qu’il reçut successivement d’anciens amis qui s’apitoyaient sur son sort, convaincus qu’il n’était devenu criminel que par amour, et d’un grand éditeur de Paris resté son débiteur.

Pendant les heures de repos, il apprenait à lire à Pierre, son dévoué corps et âme, ou il gravait pour le bazar du bagne une foule de petits objets qui le firent bientôt connaître.

Le chef de la chiourme parla de lui au commissaire ; celui-ci prit connaissance de son dossier, le fit venir, lui donna à exécuter un cachet armorié, reconnut qu’il était vraiment un artiste, et, dès ce mo-