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salle, car cet industriel était autorisé à vendre de tout, sauf de la volaille et des spiritueux.

Mais Jean, cela s’explique, était sans appétit.

Tout en s’efforçant de dissimuler son dégoût, il toucha peu à ce brouet qui n’était pas plus mauvais du reste que celui des matelots à bord des bâtiments de l’État ; il répondit à peine aux interpellations de ses camarades de plat, qui, la plupart, le plaisantaient impitoyablement en lui souhaitant la bienvenue ; et ce fut avec un véritable soulagement que, le repas terminé, il suivit Rabot dans la cour, puis, quand sonna l’heure de la rentrée, qu’il se laissa conduire par lui dans la salle où son escouade, en compagnie de dix autres, était bouclée toutes les nuits.

Ce dortoir, que précédait un poste où se tenaient les soldats de la chiourme, fusils chargés, avait une quarantaine de mètres de longueur sur dix de large.

Maculées de dessins grossiers, malgré la surveillance des gardiens, les murailles, ainsi que le plafond, y étaient blanchies à la chaux, et il existait de chaque côté un lit de camp, le tollard, où les forçats, une fois installés, étaient retenus par le pied au ramas, épaisse barre de fer qui courait tout le long du lit de camp, et dans laquelle on passait le soir l’anneau de jonction de la chaîne de chacun des prisonniers.

Ils restaient là jusqu’au lendemain, pouvant s’étendre ou s’asseoir, mais non s’éloigner plus que ne leur permettait la longueur de leur chaîne et le bon plaisir de leur accouplé.

Des fanaux accrochés çà et là éclairaient ce lugubre tableau qui, sous leurs lueurs vacillantes, se faisait plus horrible encore.